Un terme revenant souvent à la communauté T est : féminité. Tellement utilisé que je me suis demandé si ce terme n’était pas galvaudé, utilisé à tout va sans que l’on n’en saisisse le sens véritable.
Les tentatives, quelques peu irréfléchies que l’on peut lire de ci de là tombent souvent sous le coup du stéréotype et de la banalité.
Mais comment y répondre sans risquer de froisser quelques âmes sensibles ? La réponse ne sera-t’elle pas encore plus délicate dans le monde T, où les us-et-coutumes sont bouleversés ?
Il faut avouer que la plupart d’entre nous serait pris au dépourvu en tentant de répondre à cette question.
« Je pense que se gratter les seins est à la féminité ce que se gratter les couilles est à la virilité. » Leelou Bronze
NDLR : Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.
Je tente donc aujourd’hui cet exercice. Bien que mes lecteurs (et lectrices) réguliers (et régulières) et assidus (et assidues) connaissent mon opinion, un peu caricatural certes, de l’idée que je me fais de la féminité. Un mode de vie édicté par le lobby du marketing et du merchandising, qui prône le lancé de dès pour définir la mode de demain. Mais nous y reviendrons plus tard car, évidemment, tous n’est pas aussi tranché.
Let’s go !
Recherche sur Internet
On pourrait démarrer sur les chapeaux de roue, avec des études de sociologie, des livres de référence, mais je préfère démarrer par du basique, par les bas fonds d’Internet.
Posons notre cervelle deux secondes et laissons les recherches nous orienter vers une réponse, et en la matière, le web regorge d’ineptie
Google Image est notre meilleur ami pour démarrer.
D’un côté, les représentants dignes de la masculinité semblent être : Daniel Craig, Poutine, Rambo, Chabal, Vin Diesel (en baby-sitteur) et Mister T (le T n’ayant aucun rapport avec le monde T).
Barraqué, musclé, torse nu et épilé, violent, sportif, guerrier.
De l’autre côté, la féminité nous ramène vers des images de Marylin Monroe, de talon aguille, de pieds, de jambes, avec une nuance de rouge omniprésente. Et une braguette qui s’ouvre….
Autant les images de masculinité renvoient vers des images de corps à majorité torse-nu, autant les images de féminité reflètent principalement des accessoires et du matériel de subterfuge.
La féminité est-t’elle donc de nature superficielle ?
La presse féminine ne fait pas mieux. Elle qui devrait être féministe, trébuche régulièrement sur la caricature d’elle-même.
Le site « femmeactuelle« , dans son article « Les 5 comportements pour libérer sa féminité » nous dit :
Sachez tout d’abord que la féminité ne réside pas uniquement dans une coiffure ou un bâton de rouge à lèvres. Loin d’être figée dans des apparats, elle se trouve essentiellement dans votre attitude et votre façon d’être
Au lieu de commencer par définir ce que c’est, le site définit ce que ce n’est pas, cela ne nous avance pas beaucoup.
Puis :
Une femme exprime sa féminité en portant un regard bienveillant sur le monde, sur les autres.
…
Lorsqu’elle donne son point de vue sur un sujet elle s’affirme sans s’imposer
…
Une femme féminine fait part du regard qu’elle pose sur les choses, parle avec sa sensibilité sans éprouver de gêne.
Le dubitatisme m’envahit. Il faut écouter les autres, éviter le conflit, et se la fermer si son interlocuteur n’est pas d’accord et que cela dégénère.
Je situe cette définition comme une forme de soumission adoucie. Et je ne trouve pas cela très glorieux car cela reflète le spectre historique du statut de la femme par rapport à l’homme.
Nous avons fait chou-blanc. Il est peut être temps de revenir au basique.
Le dictionnaire
Extrait du Larousse
Féminité : Ensemble des caractères anatomiques et physiologiques propres à la femme.
Masculinité : Ensemble des comportements considérés comme caractéristiques du sexe masculin.
J’aurai tendance à penser qu’ils ne se mouillent pas trop.
Mais il est intéressant de constater qu’il est question de comportement caractéristique au sexe pour la masculinité. Le fait de pouvoir pisser debout sans en mettre partout serait donc une preuve de masculinité ?
Le CNRTL donne une définition un peu plus intéressante qui va nous amener vers le prochain chapitre
PSYCHOL. Ensemble des caractéristiques différentielles admises de la femme, liées biologiquement au sexe pour une part mais, pour une plus grande part conditionnées par l’influence du milieu sociopolitique et religieux« (Piéron 1973).
Ce n’est donc pas une définition absolue. La féminité n’a de sens que dans un contexte particulier, à un temps donné et dans une société précise.
Même Sauron, dit Gorthaur le Cruel, ayant vécu il y a fort longtemps, et représentant incontestable de la masculinité nous disait :
« Les bagues, c’est trop cool !!!
C’est quand on m’a dit que c’était pour les filles que j’ai forgé mon anneau pour tuer tout le monde…Bah oui, fallait pas me contrarier 🙂
Depuis, c’est devenu un symbole du mariage. Merci à qui ? Merci à Bibi. »
Il est désormais temps de passer aux choses sérieuses.
Le rapport à la société
Les recherches deviennent intéressantes à partir du moment où l’on cherche le terme « féminité » additionné de : « sociétal », « social » ou même, soyons fou, « sociopolitique ». FemmeActuelle et l’algorithme de Google Image me renvoient l’image d’un enfant essayant de définir la féminité, avec une absence flagrante de maturité sur le sujet.
Votre humble narrateur étant lui même probablement à son adolescence en la matière, cherche, réfléchit et découvre cependant tous les jours.
La féminité se caractérise par des traits, qu’ils soient physiques, psychologiques ou comportementaux associés aux femmes. Bien que certains de ces traits soient basés sur des statistiques biologiques (la barbe joue en la faveur de la masculinité par exemple), la plupart (pour ne pas dire quasiment tous) sont culturels et uniquement hérités d’une image véhiculée par la société et l’histoire.
La féminité est une construction sociale
Il est difficile de trouver des personnes (historiques) cherchant à définir la féminité de manière théorique. Le terme était utilisé, mais simplement tiré du langage courant sans définition concrète.
Certes, il y a Freud, au début du 20ème siècle, mais quand il est question de féminité, sincèrement, il part dans un délire sexuel assez affligeant. Son leitmotiv, le complexe d’Œdipe et l’angoisse de la castration. Pourquoi ? Franchement… Je n’en sais rien. Cela est d’autant plus étonnant que lui même exprimait sa méconnaissance de la psychologie consacrée à la femme, en disant de manière métaphorique : « La femme est un continent noir ».
Niveau historique, je vous conseille finalement de ne regarder qu’à partir des années 1970.
Une question d’éducation ?
Cendrine Marro, maîtresse de conférences des sciences psychologiques et des sciences de l’éducation, soutient que la définition que les gens se font de la féminité et de la masculinité est avant tout une histoire d’éducation qui commence dès le plus jeune âge.
De ce fait, les erreurs faites se propagent jusqu’à l’âge adulte, la construction sociale ayant déjà été bien établie.
Il serait nécessaire de faire bouger les mœurs, dès l’école afin de renvoyer une conception plus juste.
On pourrait penser l’école impartial en la matière. Mais le ministère de l’éducation, qui se devrait d’être exemplaire sur l’égalité de sexe, signe une publicité surprenante en 2011. Les femmes sont rêveuses et les hommes ambitieux.
On a évité de justesse la dominante rose pour Laura. Ouf.
Julien, portant une chemise aux manches recourbées, doit probablement se dire :
J’ai mis trois chemises cette semaine. Une blanche, une bleue et une orange. Je vais devoir faire trois machines séparées. Super ! Niveau écologie, on repassera. Cinq minutes de repassage par chemise. Et le pressing pour le costard, vous savez combien ça coûte ? Gros con d’employeur qui pense que mes fringues vont changer mes capacités à bosser.
De toute manière, mes ambitions, c’est gagner de la thune !
Et Laura, à quoi peut-elle bien penser ?
J’aime m’asseoir sur un meuble en bois pour lire, adossée à une saloperie de bibliothèque, c’est tellement confortable… (Rire) Bordel, les types du marketing et le photographe semblent avoir oublier leur cervelle en me faisant poser comme ça.
M’enfin, tant que t’as la classe, ça vend du rêve.
De toute manière, mon rêve, c’est gagner de la thune !
Les images de féminité et de masculinité ne seraient-elles pas une conséquence de la problématique de la sociabilisation ? Notre société, nos parents, nos proches imposent subtilement aux femmes d’être féminines pour être socialement acceptées. Aux hommes d’être masculin pour être eux même sociables. Cet historique qui nous pousse à rester dans les mêmes limites du socialement « acceptable ». Comme si cela était une nécessité pour vivre et ne pas être rejeté des autres.
Kant parle d' »insociable sociabilité » qui souligne que les gens tendent spontanément à s’associer et à rentrer au sein du même moule, mais qu’ils peuvent aussi se dissocier pour être libre et avoir une identité propre.
« Flo, va falloir te calmer avec tes références. On est plus au lycée à citer les gens comme des débiles profonds. Oui, depuis quand citer un type suffit à prouver quelque chose ? Je vais aller me retourner dans ma tombe. Bonne nuit ! »
Et après ?
Avoir une identité propre, à l’écart de la société provoque dans divers communauté une réaction de rejet, réaction qui est à la base du racisme. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est souvent difficile d’être dans notre position.
L’existence même de féminité et de masculinité tend à créer un clivage des genres. Et de ce fait, comment les gens peuvent-ils réagir en voyant un mâle en jupette ? Étrange, bizarre, interloqué car en dehors des normes sociétales ?
Bien que l’on puisse m’accuser de prosélytisme au regard de la tournure que prend cette section, je me devais de donner mon avis sur la question.
Brisons les (normes) dans tous les sens du terme. Je suis souvent attristé que certains membres de la communauté T se suffisent de cette séparation car ils vont continuer à véhiculer une image binaire du genre, où l’on est obligé de choisir un genre ou l’autre alors que j’aimerai piocher où je veux pour déconstruire la notion même de genre.
Vive le dégenrage !
Il est évidemment peu probable d’être d’accord avec mes dires lorsque l’on prône la binarité ou lorsque l’acceptation de soi est facilité par l’existence d’un genre féminin (ou masculin). Mais alors, ne serait-ce pas contradictoire de soutenir également la liberté d’apparence ?
Dans une vidéo que j’ai réalisé il y a bientôt un an, je me moquais de ces notions en mettant en scène le « type du marketing » qui détermine au préalable la future mode, et choisit ultérieurement le genre/sexe à pile ou face.
Bref, pour résumer ?
La féminité et la masculinité sont des constructions sociales indépendantes.
Leurs frontières bougent au fil des années, des cultures et des personnes.
A la question : Penses-tu être féminin ? Je répondrai : Non, je ne fais que déplacer les limites de la masculinité. Mais fondamentalement, je me demande même si cette question est utile et sensée.
Je reste cependant persuadé que ces termes vont continuer à exister longtemps, mais j’ose espérer que leurs frontières vont suffisamment s’élargir pour être similaires à terme, gommant ainsi notre étrangeté au regard de la société.
Sources
http://www.femmeactuelle.fr/amour/coaching-amoureux/revelez-votre-feminite-02097/(page)/2
http://lemonde-educ.blog.lemonde.fr/2011/06/02/la-provocation-de-luc-chatel/
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/11/08112012Article634879558932483310.aspx
https://fr.wikipedia.org/wiki/Diff%C3%A9rence_des_sexes_en_psychanalyse
1 commentaire
Cudda · 1 mai 2017 à 16 h 02 min
Excellent article, dans lequel je retrouve mes questionnements. Le moins qu’on puisse dire, est que cette réflexion n’est partagée que dans la mesure où l’on vit au quotidien ce rapport à ce que vous nommez « le dégenrage », dans ce qu’il peut avoir de libérateur, mais de dommageable aussi. Casser les codes de genres amène à s’exposer aux amalgames que l’on sait, en termes d’expression de sa sexualité notamment, et à des rejets que nous avons toutes, tous expérimentés malheureusement. Les unes comme les autres, aveuglés par leur normativisme, vont nous assigner toutes sortes d’étiquettes qui ne reflètent jamais que le regard normatif qu’elles, ils posent sur ce qu’ils estiment être notre différence.
J’ai adopté celle d’unisexe, quelque peu oubliée, et qui me semble refléter le mieux ce que je suis. Ce que je suis à la base, et ce que j’en ai fait au long d’un cheminement où j’ai toujours rencontré l’incompréhension. Mais cela est une conséquence logique du vouloir-vivre qui l’on est.
Unisexe parce que je me situe dans une quête d’unité, d’indifférenciation. Unisexe parce que prétendre faire l’impasse sur la sexualité, dans cette volonté de casser les codes de genres, serait une erreur.
En tout cas, merci Flo de cet article, en espérant qu’il suscitera davantage de réactions.